Lancement de notre campagne anti-braconnage « M’sika nyamba lisha »

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« La nuit vient de tomber, la marée est haute. Tout semble calme sur une des nombreuses plages de pontes de Mayotte. Parmi les traces de montées de tortues femelles venant pour y laisser leur descendance, une trace de pirogue tirée vers le haut de la plage. A l’abri de la végétation, deux ombres se distinguent. Munis d’un sac de riz vide et d’un couteau, elles longent la plage en s’arrêtant brièvement au bout de chaque trace de montée. Les tortues qui s’apprêtaient à pondre sont retournées sur le dos pour éviter leur fuite vers la mer. Immobilisées, elles attendent leur tour. Les hommes commencent à s’acharner sur la première femelle. Leurs gestes sont rapides et ciblés. Pour éviter les coups de nageoires lors du découpage, ils commencent par sectionner les ligaments de l’épaule. La tortue cesse de se débattre et subit son sort. La gorge est tranchée d’un coup sec et l’animal se vide de son sang. Les hommes activent leurs couteaux pour ouvrir la carapace telle une boite de conserve. Une fois la carapace ouverte, la chair et les organes sont soigneusement prélevés et découpés en morceaux. Après une demi-heure de boucherie, deux sacs de riz entiers sont remplis de viande de tortue. La plage est toujours calme, les braconniers s’attaquent au deuxième animal qui les attend, inoffensif, sur le dos. Avant que la marée ne baisse trop, les sacs remplis sont trainés vers la mer et embarqués sur la pirogue. Les carcasses vides sont cachées sous la végétation en arrière plage. Le matin, seules des traces de pas et de sang sur le sable ainsi qu’une odeur de charogne, caractéristique de certaines plages de Mayotte, témoignent du crime qui s’est déroulé la nuit passée. »

Chaque nuit, ce même scénario se déroule sur les plages de pontes isolées de Mayotte. Les lieux et les stratégies de braconnage sont connus de longue date.

Qu’attendons-nous pour affronter cette problématique qui continue à mettre en péril la préservation d’une espèce emblématique à Mayotte?

Les chiffres du REMMAT sont alarmants

En 2014, près de 350 cas de tortues marines mortes ont été recensés par le réseau, dont plus de 80 % concernent des tortues braconnées. Le braconnage reste la première cause de mortalité des tortues marines à Mayotte. Et encore, les résultats du Réseau Mahorais des Mammifères marins et Tortues marines sont loin d’être exhaustifs et ne dévoilent que la partie émergée de l’iceberg : les braconniers veillent à effacer les traces de leurs actes illégaux en faisant disparaître les restes des cadavres en mer ou sous le sable.

Des moyens de répression insuffisants

A l’heure actuelle, plusieurs acteurs de l’environnement mènent des actions anti-braconnage : la Brigade Nature de Mayotte, renforcée ponctuellement par la Brigade Nature de l’océan Indien, le Conseil Général, le Parc naturel marin et la Douane. Les actions, souvent conjointes entre plusieurs services, se traduisent par des opérations de dissuasion et de répression sur les plages. Malheureusement, face à l’ampleur de la problématique, le constat général reste celui d’un fort manque de moyens humains et techniques.

Quels risques pour les consommateurs ?

Hormis des risques d’amendes élevées et peines de prison auxquels s’exposent braconniers, vendeurs et consommateurs, manger de la viande de tortue n’est pas sans danger pour la santé. L’espèce ciblée par le braconnage est, à part quelques rares exceptions, la tortue verte (Chelonia mydas). Selon les idées reçues, la tortue verte est comestible, contrairement à la tortue imbriquée (Erythmochelys imbricata), dont la viande peut rendre malade. La vérité scientifique derrière ces suppositions est que les deux espèces de tortues peuvent accumuler une toxine provenant de leur nourriture (chelonitoxine), qui peut, selon la concentration dans la chair de l’animal, avoir des conséquences graves, et mêmes mortelles pour le consommateur. Dans la région, et notamment aux Comores et à Madagascar, plusieurs cas de mortalité suite à l’ingestion de tortue marine ont été relevés.

Une problématique qui nous concerne

Une tortue verte adulte pèse autour de 100 kg et la viande d’un animal dépecé peut valoir quelques centaines d’euros. Ce calcul peut attirer des personnes qui ont besoin d’argent rapidement. Mais, il s’agit d’une vision à court terme qui, à long terme, peut avoir des conséquences socio-économiques néfastes en nuisant au potentiel de développement touristique de l’île. Une femelle adulte revient pondre tous les 2 à 3 ans à Mayotte, pour donner la vie à environ 500 petits (5 à 7 pontes d’une centaine d’œufs), dont 1% survivront à l’âge adulte. Une fois atteints la maturité sexuelle, les descendantes de cette femelle, reviendront elles aussi pondre à Mayotte. A long terme, une tortue vivante a donc une valeur plus importante qu’une tortue tuée parce qu’elle assure, tout au long de sa vie, la pérennisation de la présence de tortues à Mayotte.

M’sika nyamba lisha !

C’est dans ce cadre que l’association lance sa campagne de communication anti-braconnage « M’sika nyamba lisha » (traduit en français : « Braconnier de tortues, arrête ! »). L’objectif de la campagne est d’illustrer de manière réaliste l’ampleur de la problématique du braconnage à Mayotte à travers de clichés plus ou moins choquants

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